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mai
12H34

Mots du bord 11/05

Mots du bord – 11 mai 

 

Damien Seguin, Arnaud Boissières, Fabrice Amedeo, Alan Roura et Giancarlo Pedote évoquent l’approche du ‘way point Gallimard’ et leur troisième nuit à bord au cours de cette Guyader Bermudes 1000 Race. 

 

 

Damien Seguin (Groupe APICIL) : « le passage du front était brutal » 

« Je suis à 120 milles du point Gallimard que je ne devrais pas tarder à passer. La nuit a été solide et le front était costaud. Il y a eu du près en approche dans 30 nœuds de vent et le passage du front était brutal. Là, c’est un bord un peu plus ouvert à 100° du vent, ça mouille beaucoup et ça va vite. Je ne peux pas aller complétement à fond parce que la mer est de face et je pense que je vais casser des trucs. J’ai déjà abimé deux, trois petites choses. Il n’y a rien de grave mais il faut que je fasse attention au bateau et à moi aussi parce que je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit. Même s’il y a des moments un peu dans le dur, je prends beaucoup de plaisir. » 

 

Arnaud Boissière (La Mie Câline) : « une nuit bien tonique » 

« C’était une nuit bien tonique pour passer le front. Sous 2 ris J3, le bateau se comporte à merveille. Le passage de front s’est fait de nuit et sous la pluie. C’est toujours usant de matosser les voiles dehors sous la pluie. Mais une fois dedans, le bateau est super sec et c’est chouette ! Je suis en bonne compagnie puisque j’ai un compagnon à côté et à vue : Éric Bellion. On s’est parlé vite fait à la VHF. Le moral est bon et j’attends que ça soit un peu moins à saute-mouton pour me préparer un plat lyophilisé. Depuis le passage du front, on ouvre les voiles. Ça va mollir progressivement en allant jusqu’à la bouée Gallimard. Et tout ça sous le soleil qui réchauffe l’habitacle ! » 

 

Fabrice Amedeo (Nexans - Art & Fenêtres) : « Une super école pour la suite »

« Cette nuit a été une super école pour la suite avec un passage de front dans du vent de sud. J’ai eu un peu de mal à faire marcher le bateau, la mer était fracassée et le vent très instable.
Ensuite je suis passé dans la traine avec le vent de nord-ouest. C’est monté à 35 nœuds brutalement, le bateau avançait à 30 nœuds. Ce matin j’ai 25-26 nœuds de vent, je suis au reaching à 110° du vent avec deux ris et J2. J’avance à 20 nœuds et la mer est hyper croisée donc c’est très impressionnant.  J’ai réussi à dormir 1h30 cette nuit et à m’alimenter à peu près correctement ce qui est pas mal vu les conditions.  Sur le bateau tout va bien, les petits détails techniques qu’il faudra résoudre à l’arrivée sont sous contrôle. Le bateau est très impressionnant. Je dois être à 70% de son potentiel donc il y a beaucoup de travail devant moi mais c’est très excitant. »

 

 

Alan Roura (Hublot) : 

« C'est souvent dans ce genre de moments où tu te demandes pourquoi tu fais ça ! Ce genre de nuit où tu avais tout planifié, que tout était parfait dans ta tête mais que tu avais oublié une chose très importante : tu te bats contre la nature avec un voilier de course. J’avais bien préparé mon enchaînement avec le passage du vent plus fort : virement de bord dans la bascule, le vent passe portant, j’envoie une petite voile de portant et le tour est joué et avec un peu chance, je remonte les copains ! Mais ça, c'est dans les contes de fée, ou dans le livre des Glénan. 

La réalité, c'est que tu es taquet depuis le départ. Tu n’as quasiment pas dormi mais tu tiens le coup, tu envoies ce beau virement, effectues ton changement de voile et hop petite sieste. Ça, c'était quelques heures en arrière. Au moment où je vous écris, je suis dans mon siège de vieille, après avoir changé trois fois de voilure car le vent passe de 18 à 25 nœuds et que je fais sonner toutes les alarmes du bord. Le tableau électrique, c'est un sapin de Noël.

Mais ça, ce n’est rien encore ! Changer de voile, c'est facile, mais quand ton capot de pont positionné à l'avant du bateau a pris la décision de faire un tour sur le pont pour prendre l'air et laisser rentrer des tonnes et des tonnes d'eau dans le bateau, ça c'est autre chose… Depuis, j’ai repris ma route et j’ai fini de remettre le bateau en ordre. Enfin presque : il me reste à passer l’éponge à l’intérieur du bateau pour vraiment assécher tout ça, après déjà deux heures de pompe de cale, 25 milles de perdus et un moral un peu dans les chaussettes. Alors je me suis permis une petite sieste pour reprendre des forces et être prêt pour envoyer toute la journée ! »

Giancarlo Pedote (Prysmian Group) : « La dernière partie du parcours va être très compliquée parce qu’une dorsale énorme se couche entre nous et l’arrivée. Ça va vraiment être dur, dur, dur et plus on va être derrière, plus on va prendre cher. Il n’y a plus qu’à espérer que les prévisions ne soient pas aussi pessimistes que prévu. Le but va être de s’écarter au plus vite de la zone de molle. On va donc tirer des bords le long de l’Espagne. Ça ne va être simple. »