Halvard Mabire : L'océan le miroir de nos rêves

Océan miroir de nos rêves ? Un bien drôle de miroir en tous cas. Ou alors plutôt un miroir à la Lewis Caroll. On fait un pas, on passe au travers et effectivement on pénètre alors vraiment dans un autre monde. Sauf que là, ce n'est pas un monde imaginaire, incohérent et défiant toutes les logiques. Au contraire, moi j'ai plutôt l'impression que c'est le vrai Monde, ou plus précisément le Monde vrai.

Celui des réalités des forces de la Nature, intemporel, immuable et qui peut vite transformer vos rêves en cauchemars si votre imaginaire vous a poussé là-dedans en négligeant d'apprendre au préalable tout ce que votre bonne éducation a soigneusement omis de vous mentionner, de peur que vous deveniez moins "civilisé".

Cela fait longtemps que le but de l'éducation est de nous faire rentrer dans le rang pour pouvoir "vivre ensemble", plus ou moins en harmonie, avec nos congénères. Alors au fil du temps, tout ce qui était utile, ou même indispensable, pour survivre à l'époque du chasseur cueilleur a été insidieusement mis de côté. 

Aujourd'hui j'ai bien souvent l'impression qu'on insiste tellement sur le fait que toute vérité n'est pas bonne à entendre, qu'on en vient à nier certaines réalités. Mais l'Océan va se charger de combler vite fait certaines de ces lacunes.

Il y a comme des évidences qui ont accompagné les hommes (encore plus souvent les femmes, d'ailleurs) pendant des siècles et je ne sais pas trop pourquoi on s'entête à les oublier maintenant. Il y a des moments où il va pourtant bien falloir intégrer que 1m3 de flotte c'est une tonne, et que face à des millions de m3 en mouvement on a intérêt à vraiment prendre conscience de ce que l'on est par rapport à tout ça, c'est à dire tout petit.

N'est-ce pas cela finalement le rêve inconscient que nous avons tous ? Retourner aux fondamentaux et retrouver la vraie place de l'Homme au milieu de la Nature. L'Océan s'y prête bien. Depuis la nuit des temps, les civilisations dites développées n'ont eu de cesse que de s'évertuer à adapter la Planète à leurs besoins, mais vu que l'Océan c'est plus difficile à bétonner, en tous cas dès qu'on s’éloigne du littoral, on peut dire que finalement c'est encore un espace où la main de l'Homme n'a jamais vraiment réussi à y foutre les pieds.

Si on parle de rêves, celui de voyager dans le temps semble le plus irréaliste. Pas tant que ça en fait. Il suffit de larguer les amarres, de s'éloigner un peu, de couper la VHF, le téléphone portable, ou tout autre source de bruits incongrus et parasites, et autour de soi on contemple le même paysage que nos ancêtres pouvaient contempler de tout temps. En tous cas les quelques rares ancêtres qui s'aventuraient sur la Mer. Tellement peu nombreux d'ailleurs que ceux qui allaient sur la Mer étaient mis dans une catégorie à part des morts et des vivants... pas vraiment tout à fait classables comme les autres alors ? Ça me va, moi qui pourtant adore les gens mais qui en arrive petit à petit à me méfier de plus en plus de l'humanité, qui semble n'avoir que pour seule raison d'être sur Terre que de se démultiplier à l'infini.

Donc à force de s'entasser comme des rats dans les cités, tu m'étonnes qu'on ait envie d'espace. Voilà encore un rêve. Un tantinet flippant quand même pour ceux qui n'imaginaient pas que finalement la Planète c'est quand même drôlement grand et que cela prend des jours pour aller d'un continent à l'autre quand on voyage avec des moyens en accord avec la vraie échelle du temps. L'homme n'impose pas son rythme en mer. Que des bonnes excuses pour arriver en retard et "prendre son temps". Je comprends que ce soit aussi un rêve ça.

D'ailleurs je suis très en retard pour envoyer ce petit texte, j'avais trop de manœuvres à faire sur le bateau, ce qui passe avant tout. Et ça aussi c'est aussi un rêve que de faire en priorité ce qui doit être fait à temps, uniquement en fonction de ce que la nature, la météo et les besoins de votre navire vous impose.