10
mai
19H49

Derrière le schuss, le remonte-pente

Derrière le schuss, le remonte-pente

Après une descente à toute berzingue avec des pointes à plus de 30 nœuds entre le Fastnet et le way-point « Tout Commence en Finistère » que les premiers ont débordé aux environs de 2 heures ce mercredi matin, les duos de la quatrième édition de la Guyader Bermudes 1000 Race Brest-Brest font désormais route vers leur prochaine marque de parcours au près, propulsés par une vingtaine de nœuds de vent sur une mer formée. Pour eux, la situation a donc radicalement changé et la vie à bord des bateaux est plutôt très inconfortable, mais le but, pour tous, reste le même : il s’agit de réussir à aller le plus vite possible. Et pour cause, la stratégie du moment est relativement simple, avec des bords un peu obligatoires pour rejoindre le fameux way-point Gallimard. Un way-point que les leaders devraient contourner entre 1h et 2h la nuit prochaine avant de rallier Brest dans la soirée de ce jeudi à l’issue d’un bord de vent arrière assez rapide.

« Après un bord de sanglier, lancé plein badin, c’est un peu la punition, aujourd’hui, de se retrouver au près », a avoué Julien Pulvé (Maître CoQ V) à la mi-journée. De fait, après un long bord de reaching bouclé à des vitesses supersoniques, les marins de la Guyader Bermudes 1000 Race Brest – Brest évoluent actuellement au près. À bord des IMOCA, ça tape, ça cogne et ça penche. En bref, c’est assez peu confortable. « On se déplace quasiment à genoux à l’intérieur des bateaux et de temps en temps on se fait surprendre par une vague qui nous tasse bien les vertèbres », a confirmé son acolyte, Jean-Marie Dauris, qui continue de jouer des coudes pour la cinquième place et ne fait quasiment qu’un sur la cartographie avec le tandem Sam Davies - Damien Seguin (Initiatives Cœur). « C’est chouette d’avoir un bateau à côté pour stimuler la perf’. Ce n’est pas facile d’aller vite tout le temps, car c’est difficile de trouver le compromis entre vitesse et cap », a détaillé le co-skipper de Maître CoQ V qui, comme tous ses concurrents ou presque, est remonté très nord, à une trentaine de milles seulement au sud du phare du Fastnet, avant de déclencher un virement de bord en milieu d’après-midi pour se retrouver sur la lay-line du way-point Gallimard. « Après le passage de la marque virtuelle « Trophée Région Bretagne », on a attaqué un bord un peu obligatoire en attendant la rotation annoncée du vent à droite, sans grand-chose à prendre, car avec des petites oscillations trop courtes pour être exploitées. Maintenant que l’on a manœuvré et que l’on se dirige en route directe vers la marque, le but reste d’aller le plus vite possible et de se positionner au mieux par rapport aux copains », a ajouté le Rochelais qui pointe actuellement une vingtaine de milles derrière FOR THE PLANET de Sam Goodchild et Antoine Koch puis de Paprec Arkéa de Yoann Richomme et Yann Eliès qui ne se lâchent pas non plus d’une semelle. « Le fait d’être si proche de Paprec Arkéa est super intéressant dans la mesure où on apprend le bateau », a relaté Sam Goodchild. « On essaie des trucs qui marchent parfois très bien et parfois moins. Nos vitesses ne sont pas toujours très régulières mais le fait d’avoir un lièvre à côté nous permet de savoir très vite où on en est, même si le vent n’est pas stable ». 

Des matches dans le match

Sur l’eau, les marins composent en effet avec un flux de secteur nord-ouest d’une vingtaine de nœud qui continue de basculer progressivement vers le nord mais aussi de se renforcer légèrement en même temps que l'état de la mer. « Les conditions sont un peu toniques mais pas dérangeantes. On sait qu’on a bientôt fini la partie la plus dure et qu’après le way-point Gallimard, on va terminer par un grand bord de portant VMG », a indiqué Morgan Lagravière (FOR PEOPLE) qui s’était fait chiper la première place hier lors de la descente entre le Fastnet et le way-point « Trophée Région Bretagne » par le tandem Jérémie Beyou - Franck Cammas, mais qui est parvenu à reprendre leadership en fin de matinée, à l’issue d’une belle bataille de virements de bord. « On est contents d’avoir recroisé devant Charal 2. C’est un coup à lui, un coup à nous. À bord, l’ambiance est super bonne et on est toujours quatre, car Fernand le pigeon joue les prolongations à nos côtés. On lui donne des cookies à manger, ce qu’il semble apprécier. Il est au taquet pour la fin de course, tout comme nous ! » a assuré le co-skipper de Thomas Ruyant, d’ores et déjà impatient d’ouvrir les écoutes sur le long bord de 400 milles qu’il restera à avaler pour rejoindre Brest après la marque. Un bord qui devrait se jouer au vent arrière pour les premiers puis au reaching pour les retardataires et ainsi permettre à tous les bateaux encore en course de boucler la boucle entre jeudi soir et samedi matin. Pour mémoire, ils ne sont désormais plus que dix en course après les abandons de Guirec Soudée et Corentin Douguet (Freelance.com) hier, à la suite de la casse de leur bout-dehors, mais aussi ceux de Louis Duc et Halvard Mabire (Fives Group – Lantana Environnement) puis d’Antoine Cornic et Jean-Charles Luro (HUMAN Immobilier) annoncés ce mercredi. Les premiers, confrontés à la casse d’un support d’hydro-générateur, sont attendus à Brest en fin d’après-midi. Les seconds, contrariés par une voie d’eau au niveau du safran tribord, se déroutent vers La Rochelle, leur port d’attache qu’ils devraient atteindre demain en fin de journée.

Ils ont dit : 

Alan Roura (Hublot) : « Dès que l'on est sorti du près après le passage du Fastnet, on savait que l’on allait aller plus vite que certains au reaching. On n’a vraiment pas chômé ces dernières 24 heures et on est contents d’avoir bien resserré l’écart avec la tête de flotte. On va maintenant essayer de garder notre position. La stratégie, sur ce bord, est de trouver le compromis vitesse et cap, ce qui n’est pas si simple avec le vent assez variable. Le but, sur cette fin de course, est d’aller le plus vite possible et d’essayer de remonter encore au classement. Ça risque d’être compliqué si on a trop de retard à la marque Gallimard, car ce sera du tout droit, mais on donne tout. On a un peu les boules d’avoir perdu le train dès la première nuit mais on redouble d’efforts pour revenir. »

Benjamin Ferré (Monnoyeur – Duo for a Job) : « Tous autant qu’on est à bord, on avait un peu oublié l’enfer que c’est de naviguer au près, surtout Lou-Kévin (Roquais), notre médiaman, qui se demande bien dans quoi on l’a fourré ! On est au près dans de la mer et ça tape pas mal. On a bien mangé notre pain noir depuis le début de la nuit dernière parce qu’on a des petits soucis. On n’a plus de dérive tribord, un support d’hydro-générateur qui ne tient qu’avec une clé Allen et du Dyneema puis un disjoncteur d’ordinateur principal récalcitrant. Bref, plein de petits soucis qui ont bien animé ces dernières heures mais rien qui nous oblige à faire cap à l’Est donc on s’accroche. On attend la bascule à droite et on a hâte, car on pourra être à 100% du potentiel du bateau sur l’autre bord. On a pris bien cher sur le bord de reaching hier. C’est sûr que sur ce type d’allure, les foilers sont 4 à 5 nœuds plus rapides que nous, mais on est contents, car depuis le début de la course, hormis sur ce bord, on a toujours régaté à 100% du potentiel du bateau. À présent, on a quand même hâte de retourner vers Brest et on ne lâche rien ! »